Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

delssohn, de Schubert, de Schumann, dont les partitions ornent encore la splendide bibliothèque de Wahnfried, comme elles ornaient l’esprit de son illustre fondateur.

Les sympathies de Wagner pour Bellini et d’autres maîtres italiens ne sont pas plus douteuses ; il les a affirmées, et on en retrouve des traces indubitables dans la structure mélodique de ses œuvres.

Or, tous ces maîtres et bien d’autres, longtemps avant qu’on ne les puisse considérer comme des précurseurs de Wagner, celui-ci n’existant pas, étaient par eux-mêmes de puissants génies, et c’est une idée très fausse de croire qu’on l’élève en les abaissant, eux dont les travaux ont préparé sa voie triomphale en lui fournissant les éléments nécessaires. Le mont Blanc ne paraîtrait pas plus haut parce qu’on nivellerait les montagnes voisines ; tout au contraire, c’est en s’élevant sur leurs cimes qu’on découvre le mieux toute sa majesté. Le wagnérien intransigeant et exclusif me fait assez l’effet d’un alpiniste qui nierait l’existence du Buet ou de la Jungfrau, croyant de bonne foi augmenter ainsi le prestige qui s’attache invinciblement au plus haut sommet européen.

J’irai plus loin : je crois que pour pouvoir se vanter, vis-à-vis de soi-même, de comprendre réellement et en entier Wagner, il faut avoir d’abord la conviction de comprendre (je dis comprendre dans le sens d’apprécier, je ne dis pas : admirer) tout ce qui l’a honorablement précédé dans l’évolution de l’Art. Et tel qui prétend ne comprendre que le Wagner, qui rejette impertinemment comme indignes de son attention les œuvres de nos grands contemporains, croyant se décerner, en ce faisant, un brevet de haute intelligence musicale, ne prouve qu’une chose, c’est qu’il ne comprend rien du tout.

Il y a l’admirateur rationnel, celui dont l’admiration est