Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/157

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flacon rempli de la liqueur de mort : c’est celle-là qu’elle fera prendre à Tristan.

Scène iv. — Il faut se hâter, car la terre est proche : déjà l’on aperçoit le pavillon d’allégresse qui flotte au faîte du château royal. Kurwenal, l’écuyer fidèle du chevalier, vient annoncer l’entrée au port. Iseult alors fait demander à Tristan un moment d’entretien et ordonne à Brangaine épouvantée de verser dans une coupe le breuvage fatal ; en vain la suivante éperdue essaye-t-elle de la détourner de son fatal dessein, Iseult commande, impérieuse ; elle fait un violent effort pour paraître calme à l’arrivée de Tristan, qui se présente respectueusement devant elle.

Scène v. — Ils se considèrent longuement en silence ; enfin Iseult, après lui avoir reproché l’éloignement dans lequel il s’est tenu pendant le voyage, lui rappelle la dette de sang qui est entre eux et qu’elle n’a pas oubliée : elle n’a pas pardonné le meurtre de son fiancé ; et puisque nul homme ne s’est présenté pour venger le mort, c’est à elle de frapper le coupable. Tristan l’a écoutée, pâle et sombre ; il lui présente le glaive et est prêt à mourir.

Mais non, lui dit Iseult, elle ne doit pas priver le roi de son plus fidèle soutien, celui auquel il doit titre et couronne ; et si une fois déjà elle a épargné le meurtrier de Morold, elle doit lui pardonner encore. Qu’il boive donc à la coupe de réconciliation et d’oubli. Pendant que les matelots poussent des cris d’allégresse à l’approche de la terre, Brangaine a été, chancelante, préparer le philtre fatal. Iseult lui arrache la coupe des mains et la présente à Tristan.

Tristan, qui a pénétré les sombres desseins d’Iseult, s’empare résolument du breuvage qui le délivrera des maux dont son cœur aussi est accablé ; il le porte à ses