Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/162

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L’infortuné se meurt de la blessure que lui a faite le traître Mélot ; son fidèle Kurwenal l’a amené dans une barque, expirant, jusqu’au domaine de ses ancêtres et le dispute au trépas, attendant avec une impatience désespérée l’arrivée d’Iseult, qu’il a envoyé chercher en Cornouailles par un serviteur dévoué. Un pâtre, qui a été placé en vigie au haut de la falaise pour signaler l’arrivée du navire portant Iseult dès qu’il poindra à l’horizon, fait entendre sur son chalumeau une mélodie triste et plaintive, à laquelle il substituera des accents joyeux si la voile tant désirée se montre au large.

Au lever du rideau, il a quitté pour un instant son poste d’observation, et vient s’enquérir des nouvelles de son seigneur ; quelle mystérieuse et sombre aventure l’a réduit en si triste état ? Kurwenal refuse de répondre et l’envoie de nouveau guetter l’horizon désert, où nul vaisseau ne paraît. Le berger reprend la mélancolique mélopée, dont le rythme tire l’agonisant de sa mortelle torpeur. Il ne reconnaît tout d’abord pas les lieux qui l’entourent ; le bon Kurwenal l’aide à rassembler ses souvenirs ; mais la seule pensée qui se présente nette à son esprit est celle d’Iseult. Son amour le reprend tout entier, il appelle éperdument la bien-aimée, et une factice lueur de vie le ranime lorsque son fidèle serviteur lui promet la prochaine venue de l’adorée. Dans sa fièvre, il voit défiler devant ses yeux toute sa triste vie, sa jeunesse malheureuse, son voyage néfaste vers la terre d’Irlande et le breuvage terrible, cause apparente de tous ses malheurs ; son exaltation va grandissant, mais ses forces le trahissent, et il tombe évanoui. Kurwenal épouvanté le ranime avec peine. Que n’arrive-t-il pas, le navire qui apportera la joie et la guérison ?

Scène ii. — Soudain une mélodie joyeuse se fait en-