Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/178

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reportent sur l’épreuve du matin : Quelle poésie dans ce chant, formé cependant contre toutes les règles reçues ! comme cet hymne au printemps était nouveau, plein de fraîcheur ! comme il émanait d’une âme d’artiste, et qu’il a su gagner le cœur du bon Sachs !

Scène iv. — Pendant qu’il devise ainsi avec lui-même, Eva, qui est sortie de sa demeure, s’est approchée de la porte de l’atelier, regardant de tous côtés si on ne l’a pas aperçue ; elle souhaite le bonsoir à son vieil ami, et, s’asseyant près de lui sur le banc de pierre, elle cherche à amener la conversation sur le sujet qui la préoccupe tant : le concours du lendemain dont elle doit être la récompense. — Qui prendra part à ce concours, se demande-t-elle ? Le poète-cordonnier, qui a le grade voulu pour tenter l’épreuve, n’aura-t-il pas l’idée de se mettre sur les rangs ? — Elle l’interroge d’une manière détournée, mais est bientôt rassurée : l’excellent Sachs l’aime comme une enfant qu’il a vue naître, mais ne prendra pas pour femme une aussi jeune fille : ce serait folie de sa part ; d’ailleurs, n’a-t-il pas été marié et père de famille déjà ?… Et il repousse l’idée sur laquelle Eva insiste, et qui lui tient peut-être plus au cœur qu’il ne voudrait se l’avouer à lui-même. — N’a-t-il pas alors le projet de favoriser Beckmesser ? — Non encore, répond le digne homme, qui voit fort bien où veut en venir la fine mouche ; aussi quand, après quelques nouveaux détours, elle arrive à parler de l’examen du matin, demandant qui s’y présentait, ne peut-il s’empêcher, en songeant à l’amour fraîchement éclos dans ce jeune cœur qu’il chérit à son insu et qu’on ne lui donnera jamais, d’avoir un moment de tristesse, et se fait-il, malgré toute sa bonhomie, un malin plaisir de critiquer le chant qu’a produit Walther, en assurant que le jeune chevalier, avec ses idées baro-