Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/182

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d’exaspérer l’horrible greffier, dont la fureur augmente d’une réjouissante façon, et de prévenir Walther et Eva qu’un ami est au courant de leur escapade et saura se mettre en travers de leur projet insensé. La jeune fille est désolée et a toutes les peines du monde à calmer l’irritation du chevalier, quand, par une heureuse diversion, la fenêtre d’Eva s’ouvre doucement et laisse apercevoir, confuse, une forme féminine qui n’est autre que Madeleine vêtue des vêtements de sa maîtresse. Ce tour joué à son prétentieux rival amuse Walther, qui maintenant suit la scène avec intérêt. Beckmesser, se croyant en présence de la bien-aimée, veut absolument lui roucouler sa mélodie ; aussi prend-il comme prétexte qu’il est venu la chanter à Sachs pour avoir son avis ; mais le rusé Hans décline toute compétence et s’acharne bruyamment sur les souliers du greffier, qui semblent concentrer entièrement son intérêt. Beckmesser insiste, s’emporte ; Sachs, sous une apparente naïveté, continue imperturbablement ses taquineries et s’entête à ne pas vouloir lâcher son assourdissant travail. La situation s’éternise de la façon la plus comique ; le greffier est sur les épines : pourvu qu’Eva impatientée ne quitte pas la fenêtre !… Enfin ils finissent par s’entendre tant bien que mal : Beckmesser, vaincu par la ténacité bonasse du cordonnier, accepte en soupirant d’être jugé par Hans, qui ne laissera pas pour cela ses chers souliers et marquera les fautes du poète en enfonçant à coups de marteau les clous dans les semelles. Le chanteur se place bien en vue de la fenêtre d’Eva qui s’est ouverte toute grande, et commence, après avoir préludé sur le luth que, dans sa fureur, il a accordé faux, son premier couplet, bientôt interrompu par un, puis par deux, trois coups. Il se retourne sans bruit, mais furieux, contre ce nouveau marqueur, qui l’arrête à chaque