Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/186

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regarde craintivement. Sachs, apercevant les fleurs et les rubans, se met à deviser, tranquillement et sans courroux, au grand plaisir de David, de la fête qui se prépare, et fait réciter à son élève sa leçon, le verset sur la Saint-Jean. Le jeune homme, dans son trouble, débite les paroles du verset sur l’air de la ridicule sérénade de Beckmesser, puis, à un signe d’étonnement de Sachs, il reprend dans le ton juste, cette fois, son cantique, qui a pour sujet le baptême d’un enfant de Nuremberg transporté sur les rives du Jourdain et nommé Johannès en latin ou Hans en allemand ; cette transition amène le chanteur à souhaiter la fête de son maître, en lui offrant avec élan les fleurs et friandises qu’il a dans son panier ; il termine en formant le vœu que Sachs, triomphant au concours et obtenant la main d’Eva, orne ainsi sa maison d’un gracieux visage qui y amènerait la gaieté. L’excellent homme lui répond doucement, mais d’une façon réservée, en ne lui livrant pas le fond intime de ses pensées, pensées tristes de renoncement à un bonheur entrevu et que, dans son courageux bon sens, il ne s’est jamais avouées à lui-même, et il l’envoie se parer pour la fête dont l’heure approche. David, tout ému et heureux d’avoir esquivé sa réprimande, baise avec respect la main de son maître et entre dans sa chambre, pendant que le poète-philosophe reprend le fil de sa rêverie, tenant toujours son in-folio sur les genoux. Il médite profondément sur la nature humaine, si prompte, hélas ! à la méchanceté, à la querelle. Comme un rien suffit à déchaîner les passions, à faire s’entrechoquer les hommes ! Pourquoi ces placides habitants de Nuremberg étaient-ils aussi enragés la nuit dernière ? Une cause inconnue, puérile à coup sûr, les a déchaînés les uns contre les autres : les effluves d’un sureau en fleur, l’intention malicieuse d’un kobold, la lourdeur de