Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/190

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la personne et la richesse. Sachs a beau protester de son innocence et de son peu de prétentions sur la jeune fille, le greffier refuse de le croire et, voulant le confondre, lire de sa poche le feuillet sur lequel est écrite l’ébauche du morceau de Walther et le lui présente. Le cordonnier raille le vilain personnage sur le procédé peu délicat dont il vient d’user en dérobant cet essai poétique ; et, pour lui prouver le peu de cas qu’il fait de ce chiffon de papier, il le lui abandonne. Beckmesser est surpris et ravi de posséder une poésie de Sachs pour lui servir de Chant de Concours : quelle aubaine ! Il change absolument d’allure envers celui qu’il vient d’injurier si violemment, et, après s’être assuré que le morceau lui est bien donné en toute propriété, que Sachs n’en revendiquera jamais la paternité, il se fait bonhomme, patelin, flatteur, et s’en va, toujours clopin-clopant, mais triomphant, persuadé que son talent personnel de musicien, uni au travail de Sachs, lui vaudra haut la main le prix qu’il ambitionne et qu’aucun rival ne saurait lui disputer. Sachs le suit du regard en souriant et en songeant que l’acte indiscret de cette nature basse et vile va servir merveilleusement ses projets.

Scène iv. — À peine Beckmesser a-t-il le dos tourné que la mignonne Eva, exquise dans sa blanche toilette de fiancée, paraît à l’entrée de la boutique ; elle vient sous prétexte de montrer à son vieil ami les souliers qu’il lui a faits et qui, prétend-elle, ne lui vont pas et la blessent. Le bon Sachs comprend fort bien le manège de la rusée, mais feint de ne pas s’en apercevoir, non plus que du cri qu’étouffe la jeune fille à l’arrivée de Walther, qui se montre sur le seuil de la porte, vêtu d’un brillant costume ; Walther reste en extase devant la blonde beauté qui s’offre à ses regards. Sachs, oui tourne le dos, semble toujours