Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/233

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ses vêtements scintillants semblent couverts de givre. Elle s’est arrachée avec peine, et sous l’influence du charme, à son profond assoupissement, mais elle ne sait rien : tout son savoir l’abandonne lorsqu’elle veille ; elle ne peut répondre à Wotan, et elle lui conseille de s’adresser aux Nornes, qui dans le câble des destins filent et tissent toute la science de leur mère éternelle. — Mais ce que cherche le dieu, ce n’est pas de connaître l’avenir : il voudrait le modifier. — Pourquoi n’interrogerait-il pas la fille de son vœu, la voyante Brünnhilde ? lui demande la Vala[1] Alors Wotan lui apprend le châtiment qu’il a dû infliger à la vierge rebelle. — Peut-il, maintenant qu’il l’a privée de sa divinité, la consulter encore ? — La déesse médite longuement ; ses pensées se troublent depuis qu’elle est éveillée ; elle ne veut pas conseiller celui dont elle blâme les agissements, celui, qui, après avoir ordonné à la Walkyrie d’agir, la punit d’avoir agi ; qui tour à tour protège ou entrave la justice et qui se parjure pour tenir ses serments ; d’ailleurs elle ne peut pas changer les lois immuables de ce qui doit être. Elle demande à être délivrée du charme et à se replonger dans son sommeil séculaire. — Wotan, ne pouvant rien obtenir d’elle, la laissera donc redescendre dans sa sombre retraite. Que les destins s’accomplissent : il ne luttera plus contre la fin ; ce qu’il a décidé autrefois, maintenant il l’exécutera avec joie ; et le monde que, dans sa colère, il avait voué à la haine du Nibelung, il le lègue maintenant au fils des Wälsungs : le héros qui, libre de toute crainte, a su se conquérir l’anneau magique, va réveiller Brünnhilde, et la fille déchue des dieux accomplira, consciente, l’acte libérateur qui affranchira le monde ; c’est elle qui rendra au Rhin l’or

  1. Vala est le nom que donnaient les Scandinaves aux prophétesses.