Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/254

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ait chérie. — Comment cela s’est-il fait ? Wotan, dieu inexorable, qui n’a pas craint, pour réparer sa faute éternelle, de vouer sa fille à cette extrême détresse en sacrifiant ainsi celui qu’elle aimait ! Combien douloureusement elle a appris, par l’excès de son malheur, ce qu’il lui fallait savoir ! Maintenant elle voit, elle sait, elle comprend tout, mais au prix de quelles souffrances !…

Elle aperçoit, tourbillonnant dans les airs, les deux noirs messagers du Père des combats : qu’ils retournent au Walhalla annoncer que maintenant tout est accompli, consommé, et que la race divine aura bientôt cessé d’être. Repose, repose, ô race des dieux !…

Elle fait signe aux vassaux de porter sur le bûcher la dépouille de Siegfried, à qui elle enlève d’abord l’anneau, qu’elle passe à son doigt. Cet anneau néfaste dont elle reprend possession, elle le lègue aux Filles du Rhin : qu’elles viennent le rechercher tout à l’heure, au milieu de ses cendres, après que le feu l’aura purifié de la malédiction qui a pesé si lourdement sur tous ceux qui l’ont possédé !

Elle s’approche du bûcher où repose déjà le corps du héros, et, brandissant une torche, elle enjoint de nouveau aux corbeaux d’aller alors dire à Wotan ce qui se passe ici ; puis, qu’ils volent jusqu’au rocher où elle a dormi, et ordonnent à Loge, qui y séjourne encore, de se transporter au Walhalla et d’embraser la royale demeure des dieux ; car le crépuscule éternel commence pour eux, et le feu qui va bientôt la consumer elle-même se propagera jusqu’à l’inaccessible retraite du Maître du monde.

Elle lance le brandon sur le bûcher, qui s’enflamme aussitôt. Puis, se retournant une dernière fois vers le peuple assemblé, elle lui lègue, dans un suprême adieu, le trésor de sa science sacrée : la race des dieux est éteinte,