Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/261

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vient le moyen de séduction le plus irrésistible des jardins enchantés. Les pieux chevaliers ignorent cette double nature et ne voient en elle qu’un être bizarre, malade, indompté, dont les fréquentes et longues absences, précédées d’un profond sommeil, correspondent toujours à un nouveau malheur venant fondre sur eux ; mais c’est elle qui a séduit, perdu Amfortas, et c’est sur elle encore que compte le sorcier pour faire sombrer la vertu du chaste fou. Effroyables missions contre lesquelles l’infortunée se révolte ; aussi la voit-on sombre et angoissée chaque fois qu’elle sent s’appesantir sur ses yeux le lourd sommeil hypnotique dans lequel la plonge Klingsor lorsqu’il veut la soumettre à son odieuse puissance. Elle expie ainsi le crime d’une existence antérieure, alors qu’étant Hérodiade, elle a poursuivi de son rire cruel et impie le Christ gravissant le Golgotha. Ce ricanement sauvage, elle le retrouve dans sa nouvelle incarnation lorsqu’elle est sous le charme maudit de l’enchanteur : alors, devenant sa digne servante, elle l’égale en perversité. Mais quand elle est délivrée de l’ensorcellement, elle aspire, autant que sa nature sauvage et inculte le lui permet, au bien, au rachat des fautes de l’enchanteresse, dont elle conserve un vague et inconscient souvenir. C’est ce qui lui fait rechercher avec tant d’ardeur les baumes qui pourront guérir la blessure d’Amfortas, cette blessure à laquelle elle a coopéré, et ne vouloir aucun remerciement pour prix de ses peines ; et c’est aussi cette aspiration au repentir, à la rédemption, qui, triomphant enfin, avec le secours de la grâce divine, de la noire magie et des ensorcellements de Klingsor, lui permettra de se régénérer dans leau sainte du baptême que versera sur son front Parsifal devenu, par l’accomplissement de sa mission sacrée, prêtre et prince du Graal à la place d’Amfortas.