Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/588

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avec une aisance surprenante et parcourent toute la hauteur de la scène, bondissant parfois jusqu’aux cintres comme pour aller respirer l’air à la surface de l’eau, sont simplement couchées sur une armature de fer, une sorte de gouttière, et soulevées, au moyen de fils invisibles, par de vigoureux machinistes circulant au-dessus du théâtre[1]. À la première répétition, l’une d’elles s’est évanouie ; il n’y a pourtant aucun danger, car chacune des Ondines est confiée à une équipe de six hommes, commandée par l’un des musiciens-assistants sur la scène, afin de faire coïncider leurs évolutions avec la musique et avec les efforts impuissants d’Alberich, qui a un faux air de bernard-l’ermite poursuivant des crevettes ou des hippocampes dans un aquarium. — Le Dragon est un truc ordinaire de féerie ; un homme lui fait ouvrir la gueule et rouler les yeux, tandis que l’acteur (Fafner), placé derrière la toile de fond, bâille et mugit dans un immense porte-voix.

La mise en scène est autrement comprise que chez nous. Les acteurs jouent beaucoup moins pour le public que pour eux-mêmes ; quand ils se parlent, ils se regardent ; ils ne craignent pas de tourner le dos au public si la vérité l’exige, témoin Parsifal, qui reste dans cette attitude immobile, à l’avant-scène, pendant la moitié du 1er acte ; ils se comportent sur la scène comme ils le feraient dans la vie, sans paraître s’apercevoir qu’il y a une salle devant eux. Cette façon d’être leur est si naturelle qu’on ne la remarque nullement ; mais s’il arrive que l’un d’eux s’en écarte et joue selon la convention généralement admise, en adressant gestes et paroles au spectateur, celui-ci en est immédiatement étonné et choqué. Les choristes, quand

  1. Ce truc date de 1896. Le procédé employé en 1876 était à la fois plus compliqué et moins ingénieux.