Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/72

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pourrait m’éloigner à jamais de l’art, comme c’est aussi, au demeurant, ce qui provoque tant d’erreurs au sujet de l’essence des œuvres d’art. « 

À Zurich il dirigea plusieurs concerts symphoniques au théâtre de la ville, assisté par deux de ses jeunes disciples Karl Ritter et Hans de Bulow, et se remit à son travail des Nibelungen. Il n’avait tout d’abord eu l’intention de traiter que la Mort de Siegfried (qui devint plus tard le Crépuscule des dieux) ; puis il fut conduit successivement, pour la clarté du drame, à écrire Siegfried, puis la Walkyrie, et enfin le Prologue de ces trois parties, l’Or du Rhin. En 1852, ses poèmes étant terminés, il en donna une première lecture, sauf le prologue, aux veillées de Noël chez ses amis Wille à Mariafeld, près de Zurich, en trois soirées. Mme Wille raconte à ce propos que le dernier soir de cette lecture elle fut obligée, appelée près d’un de ses enfants malade, de quitter un instant le salon, et que Wagner, mécontent de ce manque de forme, la gratifia à son retour du nom de Fricka[1] ! Son caractère nerveux, quoique essentiellement bon au fond, l’entraînait souvent à s’irriter.

Quand il était surexcité, il parlait volontiers français. Il commença à écrire la musique de sa Tétralogie dès 1853, en débutant par celle du Prologue.

Il raconte lui-même qu’au cours d’un voyage en Italie, pendant une nuit d’insomnie à la Spezzia, il conçut nettement le plan musical de l’Or du Rhin, et que, ne voulant pas l’écrire sur le sol italien, il revint en toute hâte à Zurich, où il se mit à l’œuvre. En mai 1854, l’Or du Rhin fut terminé. Il acheva la partition de la Walkyrie dans l’hiver 1854-1855, et les deux premiers actes de

  1. Dans la Tétralogie, Fricka est la déesse du mariage, douée d’un caractère assez grincheux.