Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/42

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« Il n’y a pas deux livres pareils à celui-là, me confiait une vieille fileuse trégorroise  ; — pensez donc ! on y voit comment les choses se passent dans l’autre monde. »


IV


C’est que, de tous les peuples celtiques, les Bretons sont peut-être celui qui a conservé le plus intacte l’antique curiosité de la race pour les problèmes de la mort. Il n’y a pas de sujet qui les captive davantage, ni qui leur soit plus domestique en quelque sorte, et plus familier. La physionomie même du pays qu’ils habitent semble avoir contribué à les entretenir dans cet état d’esprit. « Lorsqu’en voyageant dans la presqu’île armoricaine, dit Renan, ... on entre dans la véritable Bretagne, dans celle qui mérite ce nom par la langue et la race, le plus brusque changement se fait sentir tout à coup. Un vent froid, plein de vague et de tristesse, s’élève et transporte l’âme vers d’autres pensées ; le sommet des arbres se dépouille et se tord  ; la bruyère étend au loin sa teinte uniforme  ; le granit perce à chaque pas un sol trop maigre pour le revêtir  ; une mer presque toujours sombre forme à l’horizon un cercle d’éternels gémissements... Il semble que l’on entre dans les couches souterraines d’un autre âge, et l’on ressent quelque chose des impressions que Dante nous fait