Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/19

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met à saigner du nez, si parmi les personnes présentes se trouve quelqu’un de ses proches*.

Lorsqu’un équipage débarque vient à périr en mer, c’est toujours le corps du patron que l’on retrouve en dernier lieu*.

1. Cf. Sauvé, Mélusine, t. II, col. 254. A l'ile de Batz, on dit qu’un noyé étranger, s’il est chrétien, saigne quand on l'enterre en terre sainte (Milin, Notes sur Vile de Batz, Revue des traditions populaires, t. X, p. 53 ; cf. Xlï, 397).

2. Je ne sais si ce dicton a cours ailleurs qu’au Port-Blanc, sur la côte trécorroise, mais là il passe pour avoir une valeur absolue. Les pêcheurs de ce hameau marin vous citent mille exemples à l'appui. En voici un tout récent. Dans le courant d-avril 1891 un lougre venant de Cherbourg toucha sur l’un des nombreux écueils qui avoisinent les Sept-Iles. Il était monté par deux hommes d’équipage et commandé par le patron Bénard. Il y avait en outre à bord, comme passagers, deux piqueurs de pierres. Le patron et ses deux matelots sautèrent dans le canot» aOn d’aller à la côte chercher du secours et sauver ensuite les piqueurs de pierres qui furent laissés sur l’épave. Il se trouva que l’épave fut portée par la marée au Port-Blanc, où les piqueurs de pierres furent recueillis sains et saufs, tandis que le canot sombrait corps et biens dans la dangereuse passe des Sept-Iles. Les cadavres des deux matelots furent retrouvés au bout de quelques jours. Mais c’est seulement cinq mois après le sinistre, en août, qu’on eut des nouvelles du patron Bénard. Des pêcheurs de Port-Blanc, mouillés au large, ont vu le long de leur bord filer son cadavre. Ils l’ont reconnu à ses vêtements demeurés presque intacts. Des goémons avaient déjà pris racine sur les côtes du mort et des patelles s’étaient attachées aux semelles de ses bottes. Quand les pécheurs ont voulu le saisir, sa chair leur a coiUé entre les doigts,