Page:Le Grand Meaulnes.djvu/112

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il se prit à ranger dans la chambre ; il accrocha ses beaux habits aux portemanteaux, disposa le long du mur les chaises bouleversées, comme s’il eût tout voulu préparer là pour un long séjour.

Cependant, songeant qu’il devait se tenir toujours prêt à partir, il plia soigneusement sur le dossier d’une chaise, comme un costume de voyage, sa blouse et ses autres vêtements de collégien ; sous la chaise, il mit ses souliers ferrés pleins de terre encore.

Puis il revint s’asseoir et regarda autour de lui, plus tranquille, sa demeure qu’il avait mise en ordre.

De temps à autre une goutte de pluie venait rayer la vitre qui donnait sur la cour aux voitures et sur le bois de sapins. Apaisé, depuis qu’il avait rangé son appartement, le grand garçon se sentit parfaitement heureux. Il était là mystérieux, étranger, au milieu de ce monde inconnu, dans la chambre qu’il avait choisie. Ce qu’il avait obtenu dépassait toutes ses espérances. Et il suffisait maintenant à sa joie de se rappeler ce visage de jeune fille, dans le grand vent, qui se tournait vers lui…


Durant cette rêverie, la nuit était tombée sans qu’il songeât même à allumer les flambeaux. Un coup de vent fit battre la porte de l’arrière-chambre qui communiquait avec la sienne et dont la fenêtre donnait aussi sur la cour aux