Page:Le Grand Meaulnes.djvu/241

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bond dans le paradis, comment pourrait-il s’accommoder ensuite de la vie de tout le monde ? Ce qui est le bonheur des autres m’a paru dérision. Et lorsque, sincèrement, délibérément, j’ai décidé un jour de faire comme les autres, ce jour-là j’ai amassé du remords pour longtemps…

Assis sur une chaise de l’estrade, la tête basse, l’écoutant sans le regarder, je ne savais que penser de ces explications obscures :

— Enfin, dis-je, Meaulnes, explique-toi mieux ! Pourquoi ce long voyage ? As-tu quelque faute à réparer ? Une promesse à tenir ?

— Eh bien, oui, répondit-il. Tu te souviens de cette promesse que j’avais faite à Frantz ?…

— Ah ! fis-je, soulagé, il ne s’agit que de cela ?…

— De cela. Et peut-être aussi d’une faute à réparer. Les deux en même temps…

Suivit un moment de silence pendant lequel je décidai de commencer à parler et préparai mes mots.

— Il n’y a qu’une explication à laquelle je crois, dit-il encore. Certes, j’aurais voulu revoir une fois Mlle de Galais, seulement la revoir… Mais, j’en suis persuadé maintenant, lorsque j’avais découvert le Domaine sans nom, j’étais à une hauteur, à un degré de perfection et de pureté que je n’atteindrai jamais plus. Dans la mort seulement, comme je te l’écrivais un jour, je retrouverai peut-être la beauté de ce temps-là…

Il changea de ton pour reprendre avec une