Page:Le Grand Meaulnes.djvu/286

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de soie rouge. Quant à elle, après avoir cherché un instant dans le reste de l’appartement, elle revint, portant la couvée malade dans une corbeille garnie de duvet, qu’elle glissa précieusement sous l’édredon. Et, tandis qu’un rayon de soleil languissant, le premier et le dernier de la journée, faisait plus pâles nos visages et plus obscure la tombée de la nuit, nous étions là, debout, glacés et tourmentés, dans la maison étrange !

D’instant en instant, elle allait regarder dans le nid fiévreux, enlever un nouveau poussin mort pour l’empêcher de faire mourir les autres. Et chaque fois il nous semblait que quelque chose comme un grand vent par les carreaux cassés du grenier, comme un chagrin mystérieux d’enfants inconnus, se lamentait silencieusement.

— C’était ici, me dit enfin ma compagne, la maison de Frantz quand il était petit. Il avait voulu une maison pour lui tout seul, loin de tout le monde, dans laquelle il pût aller jouer, s’amuser et vivre quand cela lui plairait. Mon père avait trouvé cette fantaisie si extraordinaire, si drôle, qu’il n’avait pas refusé. Et quand cela lui plaisait, un jeudi, un dimanche, n’importe quand, Frantz partait habiter dans sa maison comme un homme. Les enfants des fermes d’alentour venaient jouer avec lui, l’aider à faire son ménage, travailler dans le jardin. C’était un jeu merveilleux ! Et le soir venu, il n’avait pas peur de coucher tout seul. Quant à nous, nous l’admirions