Page:Le Grand Meaulnes.djvu/287

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tellement que nous ne pensions pas même à être inquiets.

» Maintenant et depuis longtemps, poursuivit-elle avec un soupir, la maison est vide. M. de Galais frappé par l’âge et le chagrin, n’a jamais rien fait pour retrouver ni rappeler mon frère. Et que pourrait-il tenter ?

» Moi je passe ici bien souvent. Les petits paysans des environs viennent jouer dans la cour comme autrefois. Et je me plais à imaginer que ce sont les anciens amis de Frantz ; que lui-même est encore un enfant et qu’il va revenir bientôt avec la fiancée qu’il s’était choisie.

» Ces enfants-là me connaissent bien. Je joue avec eux. Cette couvée de petits poulets était à nous…

Tout ce grand chagrin dont elle n’avait jamais rien dit, ce grand regret d’avoir perdu son frère si fou, si charmant et si admiré, il avait fallu cette averse et cette débâcle enfantine pour qu’elle me les confiât. Et je l’écoutais sans rien répondre, le cœur tout gonflé de sanglots…

Les portes et la grille refermées, les poussins remis dans la cabane en planches qu’il y avait derrière la maison, elle reprit tristement mon bras et je la reconduisis.


Des semaines, des mois passèrent. Époque passée ! Bonheur perdu ! De celle qui avait été la fée, la princesse et l’amour mystérieux de toute