Page:Le Grand Meaulnes.djvu/321

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fort en prenant le café du matin : ils s’indignaient, en phrases rudes et paisibles, contre un de leurs patrons. Depuis longtemps sans doute Meaulnes entendait, dans son sommeil, ce calme bruit. Car il n’y prit point garde d’abord. Ce rideau semé de grappes rougies par le soleil, ces voix matinales montant dans la chambre silencieuse, tout cela se confondait dans l’impression unique d’un réveil à la campagne, au début de délicieuses grandes vacances.

Il se leva, frappa doucement à la porte voisine, sans obtenir de réponse, et l’entr’ouvrit sans bruit. Il aperçut alors Valentine et comprit d’où lui venait tant de paisible bonheur. Elle dormait, absolument immobile et silencieuse, sans qu’on l’entendît respirer, comme un oiseau doit dormir. Longtemps il regarda ce visage d’enfant aux yeux fermés, ce visage si quiet qu’on eût souhaité ne l’éveiller et ne le troubler jamais.

Elle ne fit pas d’autre mouvement pour montrer qu’elle ne dormait plus que d’ouvrir les yeux et de regarder.


Dès qu’elle fut habillée, Meaulnes revint près de la jeune fille.

— Nous sommes en retard, dit-elle.

Et ce fut aussitôt comme une ménagère dans sa demeure.

Elle mit de l’ordre dans les chambres, brossa