Page:Le Grand Meaulnes.djvu/56

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paysan, nu-tête, car il avait soigneusement posé sa casquette sur ses autres habits — visage si jeune, si vaillant et si durci déjà. Il avait repris sa marche à travers la chambre lorsqu’il se mit à déboutonner cette pièce mystérieuse d’un costume qui n’était pas le sien. Et il était étrange de le voir, en bras de chemise, avec son pantalon trop court, ses souliers boueux, mettant la main sur ce gilet de marquis.

Dès qu’il l’eut touché, sortant brusquement de sa rêverie, il tourna la tête vers moi et me regarda d’un œil inquiet. J’avais un peu envie de rire. Il sourit en même temps que moi et son visage s’éclaira.

— Oh ! dis-moi ce que c’est, fis-je, enhardi, à voix basse. Où l’as-tu pris ?

Mais son sourire s’éteignit aussitôt. Il passa deux fois sur ses cheveux ras sa main lourde, et tout soudain, comme quelqu’un qui ne peut plus résister à son désir, il réendossa sur le fin jabot sa vareuse qu’il boutonna solidement et sa blouse fripée ; puis il hésita un instant, en me regardant de côté… Finalement, il s’assit sur le bord de son lit, quitta ses souliers qui tombèrent bruyamment sur le plancher ; et, tout habillé comme un soldat au cantonnement d’alerte, il s’étendit sur son lit et souffla la bougie.

Vers le milieu de la nuit je m’éveillai soudain. Meaulnes était au milieu de la chambre, debout, sa casquette sur la tête, et il cherchait au portemanteau quelque chose — une pèlerine qu’il se