Page:Le Grand Meaulnes.djvu/68

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jument en arrière, en lui parlant pour la calmer, pour arrêter ses brusques coups de tête effrayés :

— Allons, ma vieille ! Allons ! Maintenant nous n’irons pas plus loin. Nous saurons bientôt où nous sommes arrivés.

Et, poussant la barrière entr’ouverte d’un petit pré qui donnait sur le chemin, il fit entrer là son équipage. Ses pieds enfonçaient dans l’herbe molle. La voiture cahotait silencieusement. Sa tête contre celle de la bête, il sentait sa chaleur et le souffle dur de son haleine… Il la conduisit tout au bout du pré, lui mit sur le dos la couverture ; puis, écartant les branches de la clôture du fond, il aperçut de nouveau la lumière, qui était celle d’une maison isolée.

Il lui fallut bien, tout de même, traverser trois prés, sauter un traître petit ruisseau, où il faillit plonger les deux pieds à la fois… Enfin, après un dernier saut du haut d’un talus, il se trouva dans la cour d’une maison campagnarde. Un cochon grognait dans son tet. Au bruit des pas sur la terre gelée, un chien se mit à aboyer avec fureur.

Le volet de la porte était ouvert, et la lueur que Meaulnes avait aperçue était celle d’un feu de fagots allumé dans la cheminée. Il n’y avait pas d’autre lumière que celle du feu. Une bonne femme, dans la maison, se leva et s’approcha de la porte, sans paraître autrement effrayée. L’horloge à poids, juste à cet instant, sonna la demie de sept heures.