Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

roi m’a chassé, vous n’avez daigné venir à mon appel. Mais prenez en pitié le chétif que voici ; le roi me hait, j’ignore pourquoi ; mais vous le savez peut-être ; et qui donc pourrait charmer sa colère, sinon vous seule, reine franche, courtoise Iseut, en qui son cœur se fie ?

— En vérité, sire Tristan, ignorez-vous encore qu’il nous soupçonne tous les deux ? Et de quelle traîtrise ! faut-il, par surcroît de honte, que ce soit moi qui vous l’apprenne ? Mon seigneur croit que je vous aime d’amour coupable. Dieu le sait pourtant, et, si je mens, qu’il honnisse mon corps ! jamais je n’ai donné mon amour à nul homme, hormis à celui qui le premier m’a prise, vierge, entre ses bras. Et vous voulez, Tristan, que j’implore du roi votre pardon ? Mais s’il savait seulement que je suis venue sous ce pin, demain il ferait jeter ma cendre aux vents ! »

Tristan gémit :

« Bel oncle, on dit : « Nul n’est vilain,