Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/115

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s’il ne fait vilenie. » Mais, en quel cœur a pu naître un tel soupçon ?

— Sire Tristan, que voulez-vous dire ? Non, le roi mon seigneur n’eût pas de lui-même imaginé telle vilenie. Mais les félons de cette terre lui ont fait accroire ce mensonge, car il est facile de décevoir les cœurs loyaux. Ils s’aiment, lui ont-ils dit, et les félons nous l’ont tourné à crime. Oui, vous m’aimiez, Tristan, pourquoi le nier ? ne suis-je pas la femme de votre oncle et ne vous avais-je pas deux fois sauvé de la mort ? Oui, je vous aimais en retour : n’êtes-vous pas du lignage du roi, et n’ai-je pas ouï maintes fois ma mère répéter qu’une femme n’aime pas son seigneur tant qu’elle n’aime pas la parenté de son seigneur ? C’est pour l’amour du roi que je vous aimais, Tristan ; maintenant encore, s’il vous reçoit en grâce, j’en serai joyeuse. Mais mon corps tremble, j’ai grand’peur, je pars, j’ai trop demeuré déjà. »

Dans la ramure, le roi eut pitié et sourit doucement. Iseut s’enfuit, Tristan la rappelle :