Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/124

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il sera déçu : bien fou qui lui laisserait prendre l’empreinte de ses pas ! »

À minuit, le roi se leva et sortit, suivi du nain bossu. Il faisait noir dans la chambre : ni cierge allumé, ni lampe. Tristan se dressa debout sur son lit. Dieu ! pourquoi eut-il cette pensée ? Il joint les pieds, estime la distance, bondit et retombe sur le lit du roi. Hélas ! la veille, dans la forêt, le boutoir d’un grand sanglier l’avait navré à la jambe, et, pour son malheur, la blessure n’était point bandée. Dans l’effort de ce bond, elle s’ouvre, saigne, mais Tristan ne voit pas le sang qui fuit et rougit les draps. Et dehors, à la lune, le nain, par son art de sortilège, connut que les amants étaient réunis. Il en trembla de joie et dit au roi :

« Va, et maintenant, si tu ne les surprends pas ensemble, fais-moi pendre ! »

Ils viennent donc vers la chambre, le roi, le nain et les quatre félons. Mais Tristan les a entendus : il se relève, s’élance, atteint son lit… Hélas ! au passage, le sang