Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/140

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paupières enflées leurs yeux sanglants jouissaient du spectacle.

Yvain, le plus hideux des malades, cria au roi d’une voix aiguë ;

« Sire, tu veux jeter ta femme en ce brasier ; c’est bonne justice, mais trop brève. Ce grand feu l’aura vite brûlée, ce grand vent aura vite dispersé sa cendre. Et, quand cette flamme tombera tout à l’heure, sa peine sera finie. Veux-tu que je t’enseigne pire châtiment, en sorte qu’elle vive, mais à grand déshonneur, et toujours souhaitant la mort ? Roi, le veux-tu ? »

Le roi répondit :

« Oui, la vie pour elle, mais à grand déshonneur et pire que la mort… Qui m’enseignera un tel supplice, je l’en aimerai mieux.

— Sire, je dirai donc brièvement ma pensée. Vois, j’ai là cent compagnons. Donne-nous Iseut, et qu’elle nous soit commune ! Le mal attise nos désirs. Donne-la à tes lépreux, jamais dame n’aura fait pire fin. Vois, nos haillons sont collés à nos plaies,