Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/142

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« Yvain, tu lui as assez longtemps fait compagnie ; laisse-la maintenant, si tu veux vivre ! »

Mais Yvain dégrafe son manteau.

« Hardi, compagnons ! À vos bâtons ! À vos béquilles ! C’est l’instant de montrer sa prouesse ! »

Alors il fit beau voir les lépreux rejeter leurs chapes, se camper sur leurs pieds malades, souffler, crier, brandir leurs béquilles : l’un menace et l’autre grogne. Mais il répugnait à Tristan de les frapper ; les conteurs prétendent que Tristan tua Yvain : c’est dire vilenie ; non, il était trop preux pour occire telle engeance. Mais Gorvenal ayant arraché une forte pousse de chêne, l’asséna sur le crâne d’Yvain ; le sang noir jaillit et coula jusqu’à ses pieds difformes.

Tristan reprit la reine : désormais, elle ne sent plus nul mal. Il trancha les cordes de ses bras, et quittant la plaine, ils s’enfoncèrent dans la forêt du Morois. Là, dans les grands bois, Tristan se sent en sûreté