Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/160

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en ce bois, s’ils s’aimaient de fol amour, auraient-ils placé cette épée entre eux ? Et chacun ne sait-il pas qu’une lame nue, qui sépare deux corps, est garante et gardienne de chasteté ? S’ils s’aimaient de fol amour, reposeraient-ils si purement ? Non, je ne les tuerai pas ; ce serait grand péché de les frapper ; et si j’éveillais ce dormeur et que l’un de nous deux fût tué, on en parlerait longtemps, et pour notre honte. Mais je ferai qu’à leur réveil ils sachent que je les ai trouvés endormis, que je n’ai pas voulu leur mort, et que Dieu les a pris en pitié. »

Le soleil, traversant la hutte, brûlait la face blanche d’Iseut. Le roi prit ses gants parés d’hermine : « C’est elle, songeait-il, qui, naguère, me les apporta d’Irlande !… » Il les plaça dans la feuillée pour fermer le trou par où le rayon descendait ; puis il retira doucement la bague aux pierres d’émeraude qu’il avait donnée à la reine ; naguère il avait fallu forcer un peu pour la lui passer au doigt ; maintenant ses