Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/165

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Iseut : je la lui livrerais ? Que ne m’a-t-il égorgé, plutôt, dans mon sommeil ! Naguère, traqué par lui, je pouvais le haïr et l’oublier ; il avait abandonné Iseut aux malades : elle n’était plus à lui, elle était mienne. Voici que par sa compassion il a réveillé ma tendresse et reconquis la reine. La reine ? Elle était reine près de lui, et dans ce bois elle vit comme une serve. Qu’ai-je fait de sa jeunesse ? Au lieu de ses chambres tendues de draps de soie, je lui donne cette forêt sauvage ; une hutte, au lieu de ses belles courtines ; et c’est pour moi qu’elle suit cette route mauvaise. Au seigneur Dieu, roi du monde, je crie merci et je le supplie qu’il me donne la force de rendre Iseut au roi Marc. N’est-elle pas sa femme, épousée selon la loi de Rome, devant tous les riches hommes de sa terre ? »

Tristan s’appuie sur son arc, et longuement se lamente dans la nuit.

Dans le fourré clos de ronces qui leur servait de gîte, Iseut la Blonde attendait