Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de même, sauf à y mettre plus de choix et de goût. Dans le fragment anonyme qui fait suite au fragment de Béroul, dans la traduction allemande d’un poème voisin de celui de Béroul, dans Thomas et ses traducteurs, dans les allusions et les poèmes épisodiques, dans le roman en prose lui-même, il a pris de quoi refaire au morceau conservé un commencement, une suite et une fin, en cherchant toujours, entre les multiples variantes du conte, celle qui convenait le mieux à l’esprit et au ton du fragment authentique. Puis, — et c’est là l’effort le plus ingénieux et le plus délicat de son art, — il a essayé de donner à tous ces morceaux épars la forme et la couleur que leur aurait données Béroul. Je ne jurerais pas qu’il n’a pas écrit tout le poème en vers aussi semblables que possible à ceux de Béroul, pour les traduire ensuite en français moderne avec autant de soin qu’il avait fait pour les trois mille vers conservés. Si le vieux poète revenait aujourd’hui, et qu’il s’enquît de ce qu’est devenue son œuvre, il serait émerveillé de voir avec quelle piété, quelle intelligence, quel travail et