Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/218

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d’Allemagne en Espagne, il servit maints seigneurs, acheva maintes emprises. Mais, pendant deux années, nulle nouvelle ne lui vint de la Cornouailles, nul ami, nul message.

Alors il crut qu’Iseut s’était déprisé de lui et qu’elle l’oubliait.

Or, il advint qu’un jour, chevauchant avec le seul Gorvenal, il entra sur la terre de Bretagne. Ils traversèrent une plaine dévastée : partout des murs ruinés, des villages sans habitants, des champs essartés par le feu, et leurs chevaux foulaient des cendres et des charbons. Sur la lande déserte, Tristan songea :

« Je suis las et recru. De quoi me servent ces aventures ? Ma dame est au loin, jamais je ne la reverrai. Depuis deux années, que ne m’a-t-elle fait quérir par les pays ? Pas un message d’elle. À Tintagel, le roi l’honore et la sert ; elle vit en joie. Certes le grelot du chien enchanté accomplit bien son œuvre ! Elle m’oublie, et peu lui chaut des