Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/25

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puissance de l’incantation musicale, le breuvage d’amour a certainement troublé, peut-être égaré plus d’un cœur. Mais il n’y a pas d’idéal dont le charme n’ait son péril, et pourtant on ne saurait priver la vie d’idéal sans la condamner à la platitude ou au morne désespoir. Il faut savoir, quand on passe devant les grottes des Sirènes, se tenir fermement attaché au mât, sans renoncer à entendre la divine mélodie qui fait entrevoir aux mortels des félicités surhumaines.

Au reste, si tout l’attrait du vieux poème subsiste dans le « renouvellement » qu’on va lire, le danger qu’il pouvait présenter pour les contemporains de Béroul y est singulièrement atténué pour les nôtres. Les passions sont d’autant plus contagieuses pour les âmes qu’elles se présentent dans des âmes semblables : lorsqu’il s’agit d’âmes lointaines et très différentes, sinon dans leur fond, au moins dans les conditions extérieures de leur activité, les passions gardent toute leur grandeur et leur beauté, mais perdent beaucoup de leur force suggestive. Le Tristan et l’Iseut de