Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/265

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« Sire, chassez ce fou ! »

Mais le fou reprit de sa voix étrange :

« Reine Iseut, ne vous souvient-il pas du grand dragon que j’ai occis en votre terre ? J’ai caché sa langue dans ma chausse, et, tout brûlé par son venin, je suis tombé près du marécage. J’étais alors un merveilleux chevalier !… et j’attendais la mort, quand vous m’avez secouru. »

Iseut répond :

« Tais-toi, tu fais injure aux chevaliers, car tu n’es qu’un fou de naissance. Maudits soient les mariniers qui t’apportèrent ici, au lieu de te jeter à la mer ! »

Le fou éclata de rire et poursuivit :

« Reine Iseut, ne vous souvient-il pas du bain où vous vouliez me tuer de mon épée ? et du conte du Cheveu d’or qui vous apaisa ? et comment je vous ai défendue contre le sénéchal couard ?

— Taisez-vous, méchant conteur ! Pourquoi venez-vous ici débiter vos songeries ? Vous étiez ivre hier soir, sans doute, et l’ivresse vous a donné ces rêves.