Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/276

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s’en aillent ! Emmène-moi au pays fortuné dont tu parlais jadis : au pays dont nul ne retourne, où des musiciens insignes chantent des chants sans fin. Emmène-moi !

— Oui, je t’emmènerai au pays fortuné des Vivants. Le temps approche ; n’avons-nous pas bu déjà toute misère et toute joie ? Le temps approche ; quand il sera tout accompli, si je t’appelle, Iseut, viendras-tu ?

— Ami, appelle-moi ! tu le sais, que je viendrai !

— Amie ! que Dieu t’en récompense ! »

Lorsqu’il franchit le seuil, les espions se jetèrent contre lui. Mais le fou éclata de rire, fit tourner sa massue, et dit :

« Vous me chassez, beaux seigneurs ; à quoi bon ? Je n’ai plus que faire céans, puisque ma dame m’envoie au loin préparer la maison claire que je lui ai promise, la maison de cristal, fleurie de roses, lumineuse au matin quand reluit le soleil !

— Va-t’en donc, fou, à la male heure ! »

Les valets s’écartèrent, et le fou, sans se hâter, s’en fut en dansant.