Page:Le Roman de Tristan et Iseut, renouvelé par J. Bédier.djvu/33

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trahison. Elle ne le pleura point : ni cris, ni lamentations, mais ses membres devinrent faibles et vains ; son âme voulut, d’un fort désir, s’arracher de son corps. Rohalt s’efforçait de la consoler :

« Reine, disait-il, on ne peut rien gagner à mettre deuil sur deuil ; tous ceux qui naissent ne doivent-ils pas mourir ? Que Dieu reçoive les morts et préserve les vivants !… »

Mais elle ne voulut pas l’écouter. Trois jours elle attendit de rejoindre son cher seigneur. Au quatrième jour, elle mit au monde un fils, et, l’ayant pris entre ses bras :

« Fils, lui dit-elle, j’ai longtemps désiré de te voir ; et je vois la plus belle créature que femme ait jamais portée. Triste j’accouche, triste est la première fête que je te fais, à cause de toi j’ai tristesse à mourir. Et comme ainsi tu es venu sur terre par tristesse, tu auras nom Tristan. »

Quand elle eut dit ces mots, elle le baisa, et, sitôt qu’elle l’eut baisé, elle mourut.

Rohalt le Foi-Tenant recueillit l’orphelin. Déjà les hommes du duc Morgan envelop-