Page:Le Tour du monde - 02.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fourrés. Une armée pourrait s’y cacher. Le sol porte toutes les traces d’une intense fertilité.

Là-bas, au bout d’une avenue de palmiers, dans un nid d’arbres ombreux, est un groupe de bâtiments blancs entourés d’une mer de champs de cannes à sucre, avec une haute cheminée qui vomit des filets de fumée noire. C’est une plantation de sucre, le premier ingenio que j’aperçoive. Des chars traînés par des bœufs, chargés de cannes, traversent lentement les champs ; et autour des maisons, dans les champs, dans toutes les attitudes du travail, on voit les nègres, hommes, femmes, enfants, les uns coupant les cannes, les autres chargeant les chars ; c’est une scène d’activité industrielle sous le soleil d’un jour accablant et plein de langueur.

Avenue de palmiers devant une habitation de Cuba. — Dessin de E. de Bérard.

Les groupes de maisons blanches à un étage deviennent plus fréquents, quelquefois ils sont très-rapprochés les uns des autres ; tous ont le même caractère, ils ne diffèrent que par la végétation qui les entoure. Les uns ont de larges avenues de palmiers, de mangos, ou d’orangers, et sont entourés de jardins, abrités sous des bouquets d’arbres ; d’autres brillent sous le soleil ardent, sur une plaine unie de cannes ; à peine une petite oasis de verdure s’élève aux alentours.

Je commence à sentir que je suis bien dans Cuba ; dans la riche, tropicale Cuba, qui fait du sucre et est cultivée par des esclaves : la vie cubaine doit être étudiée dans les plantations. J’arrive à la station, où je dois m’arrêter pour aller à la plantation de Señor C… On me montre à une petite distance, sous de grands arbres, une maison où l’on arrive entre des orangers. Tout autour de moi, je ne vois qu’une riche verdure, sur un sol doucement ondulé ; çà et là, une haute colline à l’horizon,