Page:Le dictionnaire de l'Academie françoise, 1798 - T1, A-C.djvu/13

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PRÉLIMINAIRE. iij

tout prit le ton simple et auguste de la Langue républicaine ; là, le nom de Roi étoit rarement prononcé ; le nom odieux de Sujet , ne l’étoit jamais. Placés par les objets au milieu des plus grands intérêts de la Nation , les Orateurs ne voyoient qu’elle , ne parloient qu’à elle ; et comme si, par un don de prophétie accordé aux sublimes inspirations des talens , ils voyoient déjà la République , en adressant la parole aux François , déjà ils les appeloient Citoyens.

Ces formes républicaines valurent à Thomas plus d’une persécution ; mais elles naissoient , comme toute son éloquence , de l’élévation de son âme : et s’il étoit possible de le faire taire , il ne l’étoit pas de le faire parler autrement qu’en homme libre , qu’en Citoyen de ce Peuple si fécond en talens , et que tous les talens appeloient à la jouissance de ses droits , à l’exercice de sa souveraineté. Richelieu , le vrai Fondateur de l’Académie Françoise , ne vouloit pas de maître pour lui-même ; pour n’en pas avoir il le devint de son Roi. Il eut la fierté de l’orgueil ; il ne pouvoit pas avoir celle de l’égalité et de la vertu. S’il avoit pu assister à l’une de ces solennités de l’Académie Françoise , sans doute il eût frémi de voir son ouvrage à ce point éloigné du but pour lequel il l’avoit créé : son but , cela est très-probable , n’avoit rien de politique ; il n’étoit que littéraire. Richelieu avoit la prétention de bien parler et de bien écrire : il institua l’Académie Françoise pour veiller à la pureté de la Langue , pour en faire le Dictionnaire : Richelieu ne songeoit à luire ni des Monarchistes , ni des Républicains ; il songeoit à faire des Puristes ; et cela prouve qu’il ne connoissoit pas plus ce que doit être un Dictionnaire , qu’il ne savoit co qu’est une Nation. Pour savoir ce que doit être un Dictionnaire , il eût fallu savoir ce que sont les Langues ; et au siècle de Richelieu , parmi les Philosophes même de toute l’Europe , il n’y en avoit peut - être pas deux qui le soupçonnassent. Flobbes est celui qui paroît avoir le mieux connu, à cette époque, la nature des Langues et leurs rapports avec la nature de l’esprit humain. A la naissance de l’Académie Françoise , on ne croyoit , en général , un Dictionnaire destiné et utile qu’à deux choses : quand on veut apprendre une Langue ancienne ou étrangère , à vous faire trouver , à coté l’un de l’autre , les mots équivalens ou correspondais de la Langue qu’on sait, et de la Langue qu’on étudie ; et quand on veut acquérir la certitude de parler et d’écrire sa propre Langue avec pureté et élégance , à mettre sous vos yeux tous les mots de votre Langue en ordre alphabétique , avec la délinition de leur valeur , de leur sens , avec des exemples de l’usage qu’on en lait dans les bons Livres et dans le beau monde. Ce sont deux espèces de Dictionnaires. La première espèce étoit à l’usage des Enfans et des Savans ; la seconde servoit surtout aux Gens de Province qui avoient l’ambition d’écrire et de parler comme à Paris, et aux Puristes de tous les Pays, pour terminer, par a2