Page:Lebey - Sur une route de cyprès, 1904.djvu/100

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Le grand frisson sacré qui vaut seul que l’on vive ;
Tu te disais hélas ! que d’autres l’avaient eue,
Mais, quand tu la tenais contre toi, belle et nue,
Quand tu sentais sa peau trembler sous ta caresse,
C’était bien le bonheur au fond de ta tendresse.
Tu ne savais plus rien que son ventre et ses seins,
Que ses cheveux mêlés à la sueur des tiens,
Que ses flancs où ta main s’arrêtait lentement,
Que toute elle rivée à ta force d’amant,
Ouverte à tes baisers comme une fleur aux brises...


Lorsqu’elle te quittait, après des heures grises,
Tu la trompais aussi ; ton plaisir était moindre ;
Mais comme on voit au ciel le plus noir souvent poindre
Une étoile tardive, incertaine couronne,
Et parce que la chair veut qu’on s’y abandonne,
Ainsi tu t’oubliais jusqu’à l’oublier elle
Et, trop voluptueux pour demeurer fidèle,
A ton tour, tu rêvais vers l’esclave étonnée. . .
Tu ne pouvais dormir, et l’aurore, lassée,
Perlait à peine un peu de fraîcheur à ton front ;
Ta douleur revenait vers toi comme un affront ;
Le souvenir de l’autre exaspérait ta fièvre ;
Tu haussais une coupe à hauteur de ta lèvre