Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/260

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vres de Lamartine, contemporaines de sa foi démocratique, qui sont les moins lyriques, que cela est aussi vrai de George Sand, et que l’impersonnalisme de Leconte de Lisle n’est pas le moins du monde, comme on l’a trop dit, une question plus ou moins technique d’art-pour-art, mais de tempérament, d’imagination et de sensibilité, et dérive directement de son socialisme.

On a donc généralement méconnu ou déformé les caractères essentiels de son œuvre.

On a fait ressortir son pessimisme sans se préoccuper d’en rechercher les raisons ou en imaginant des causes d’une fantaisie un peu trop théâtrale (M. Spronck surtout). Mme  Dornis, dont Ia main fut plus délicate, a dit que la disproportion entre son génie et sa destinée fut douloureuse et elle se souvient à ce propos de pièces telles que les Montreurs et le Dies Iræ. Peut-on y voir rien de tel ? Que Leconte de Lisle eût désiré à certaines époques de sa vie une situation lui permettant une action efficace et de répandre l’idée autrement que par la littérature, qu’il ait regretté de n’avoir jamais pu faire comme un Lamartine écouter une grande et pure voix libérale, cela est très probable, mais il n’y eut jamais de vanité, même d’orgueil froissé[1]. On a été jusqu’à dire qu’il haïssait la démocratie, qu’il méprisait le peuple. C’est sottise. Leconte de Lisle n’a jamais haï le peuple. Il lui en a seulement voulu — parfois avec force — de se laisser indignement, stupidement martyriser par une « élite »

  1. Lire ses lettres à Ménard.