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premières poésies

sées fortes, et que mon exaltation passagère s’épanche seulement en quelques mauvais vers comme ceux-ci :



HALLUCINATIONS


C’était l’heure divine où le soleil n’est plus.
L’horizon rose et bleu couronnait les flots calmes,
Le soir, comme un manteau, drapait les monts velus.

Les palmiers avec grâce arrondissaient leurs palmes ;
Et l’île, en souriant, s’endormait sous les yeux
Que les anges pensifs entr’ouvraient dans les cieux.

L’Océan exhalait un chant doux et sonore,
Hymne sublime et pur qui vers cette autre aurore
Montait en murmurant : amour et majesté !

— Je rêvais, assailli d’émotions sans nombre ;
Mon âme s’égarait en cette immensité
Tour à tour indécise entre la flamme et l’ombre ;

Un charme ambitieux faisait battre mon cœur ;
Les bords, les flots, les airs s’inondaient de prestiges,
Mes regards s’emplissaient d’éblouissants vertiges ;