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Discours touchant la methode de la certitude et l’art d’inventer.

de la bonté du ciel, dont notre siecle même luy doit encor des remerciemens, qu’une marque de sa colere ; car c’est apparemment cette poudre à canon, qui a le plus contribué à arrester le torrent des Ottomans, qui alloient inonder notre Europe et encor présentement c’est par là qu’il y a de l’apparence qu’on se pourra quelque jour delivrer entierement de leur voisinage, ou peut estre qu’on pourra retirer une partie de leurs peuples des tenebres et de la barbarie, pour les faire jouir avec nous des douceurs d’une vie honneste et de la connoissance du souverain bien, en rendant à la Grèce, mere des sciences, et à l’Asie, mere de la religion, ces biens dont nous leur sommes redevables.

Enfin je compte pour l’un des plus grands avantages de nostre siecle, qu’il y a un Monarque, qui par un concert rare et surprenant de merite et de fortune, apres avoir triomphé de tous costés et retabli le repos et l’abondance dans son royaume, s’est mis dans un estat non seulement à ne rien craindre, mais encore à pouvoir executer chez luy tout ce qu’il voudra pour le bonheur des peuples, ce qui est un don du ciel bien rare et bien pretieux. Car on voit qu’ordinairement les grands Princes et surtout les conquerans ont esté dans des agitations continuelles et peu en estat de songer aux biens de la paix, et souvent quelqu’autre puissance les tenoit en echec. Pour ce qui est des Princes mediocres, ils ne sont presque jamais à eux mêmes et suivent malgré eux les mouvemens des plus grands. J’en ay connu moy même assez particulierement, dont le merite estoit asseurément fort extraordinaire, qui rouloient dans l’esprit des grands et beaux desseins pour le soulagement de leurs peuples, et même pour l’avancement des belles connoissances, mais ils ne pouvoient aller au delà des projets et des souhaits, quelque bonne volonté et quelque intelligence qu’ils eussent, parce que les troubles qu’ils voyoient naistre à l’entour d’eux les obligeoient de ramasser tout leur esprit et toutes leurs forces pour s’en garantir, et encor ne le pouvoient ils faire qu’avec peine. Mais ce grand Monarque qu’on reconnoist aisement à ce peu que je viens d’en dire, estant arbitre de son sort et de celuy de ses voisins, et ayant déjà executé des choses qu’on tenoit impossibles et qu’on a de la peine à croire apres le coup, que ne feroit il point faire dans un siecle si éclairé, dans un royaume si plein d’esprits excellens, avec toute cette grande disposition qu’il y a presentement dans le monde pour les decouvertes, que ne feroit il point, dis-je, si quelque jour il prenoit la