Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’a aimé plus constamment que lui ; il croit découvrir chez les paysans « un fonds d’idées saines et généreuses, le robuste instinct de la justice, de violentes antipathies contre les mensonges du libéralisme, une vague attente de vengeance humaine ou divine contre tous ces petits oppresseurs qui les trompent, les tyrannisent et les humilient ». Et il les appelle contre « les messieurs », comme autrefois l’Église, « effrayée des crimes de la civilisation, se tournait avec une sorte d’espérance vers les barbares. »

Or, parmi toutes ces imprécations, le petit journaliste n’était pas content de lui. Il menait exactement la vie qu’il reprochera plus tard avec tant d’âpreté à beaucoup d’ « honnêtes gens » de ses contemporains. Sans être fort débauché, il n’était point chaste. Sans être formellement impie (dès cette époque il paraît avoir été assez retenu dans ses discours touchant les choses de la religion), il était incroyant, et n’avait pas mis les pieds dans une église depuis sa première communion. Mais du moins il n’était nullement fier de son état moral, et il souffrait de ne savoir où il allait. Il était inquiet, avec d’étranges accès de sensibilité. Son ironie ne lui était souvent qu’un masque ou une attitude. «… Au sortir d’une conversation où j’aurai, par l’excès de mes dédains, étonné des âmes éteintes, j’irai dévorer en pleurant quelque puéril récit d’amour… Un son de voix, un regard, me jettent dans des chimères de tendresse et de mélancolie