Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/45

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mourants aux bras des prêtres. Il y a de la physiologie dans cette peur-là : il y en avait dans la foi de Veuillot. Il n’aurait rien compris à ce raisonnement que j’ai souvent fait en songeant à la mort : — « Oui, c’est le noir, c’est l’inconnu. Mais s’il y a une destinée humaine par delà la mort, quelle qu’elle doive être pour moi, je serais fou de redouter un sort qui me sera forcément commun avec des milliards d’individus de mon espèce. » Cela ne l’eût point rassuré. On le dirait hanté de la crainte de n’être pas suffisamment orthodoxe. Il a comme la rage de s’en remettre du plus de choses possible à l’autorité du représentant de Dieu ; et il semble qu’il se soit surtout appliqué à concentrer dans le pape seul le privilège d’infaillibilité autrefois épars dans l’Église entière, afin d’être plus tranquille. J’ai entendu des croyants, qui avaient d’ailleurs l’âme très belle, dire à propos de certaines difficultés du dogme : « J’aime mieux ne pas penser à ces choses-là. » Tel Veuillot. Quand il était seul avec lui-même, il fermait les yeux.

Mais, s’il se jette dans la foi par le même mouvement de recours craintif que les femmes et que les plus simples de ses frères, une fois assuré de ce refuge, il se retrouve homme de pensée. Il comprend profondément le rôle social de l’Église et en quoi ses dogmes correspondent aux besoins les plus intimes et les plus nobles de la nature humaine. Sur ce qui est l’âme même du christianisme, il abonde