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ANTONl DESCHAMPS.

Ceux de Cascel-Gandolfe et ceux de Tivoli,
Portant au pied la boucle en argent mal poli,
Les filles de Nettune, au corset d’écarlate,
Ornant de médaillons leur sein où l’or éclate,
Et dans un réseau vert enfermant leurs cheveux,
Et celles de Lorette, où l’on fait tant de vœux,
Celles de Frascati, dont les beaux yeux sans voile
Luisent sous le panno comme une double étoile,
Hommes, femmes, enfants, s’avancent d’un pas lent
Vers la nocturne fête et le Corso brûlant.

Alors le ciel s’embrase et la flamme agrandie
S’étend le long des toits comme un vaste incendie ;
Et les Moccoletti courent de mains en mains,
Brillant et s’éteignant : tel, au bord des chemins,
On voit le ver luisant, dans la nuit qu’il éclaire,
Paraître ou se cacher au mois caniculaire.
Au milieu du tumulte et des joyeux propos,
Quelques femmes d’Albane, assises en repos,
Imitent par leur taille et leur antique tête
Des déesses de marbre assistant à la fête.

Cependant le temps fuit, la lumière pâlit,
Et la jeune Romaine, en regagnant son lit,
Voit à regret mourir le dernier feu !… La foule,
Sur la place du Peuple, en murmurant, s’écoule ;
Les voix sont déjà loin, l’écho n’a plus de sons,
Et les balcons muets ont fini leurs chansons.
Par la lune éclairés, quelques dominos sombres
Dans le Corso désert glissent comme des ombres ;
Mais le saltarello près du Tibre a cessé.
Le jour des Moccoli tel qu’un rêve a passé ;
Et l’on n’aperçoit plus, dans une teinte grise,
Que les murs dentelés du Palais de Venise ;