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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Tu croiras qu’elle aussi, d’un vain bruit enivrée,
Et des larmes d’hier oublieuse demain,
Elle a d’un ris moqueur rompu la foi jurée
                      Et passé son chemin ;

Et tu ne sauras pas qu’implacable et fidèle,
Pour un sombre voyage elle part sans retour,
Et qu’en fuyant l’amant, dans la nuit éternelle
                     Elle emporte l’amour.

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LA STATUE DE GŒTHE À FRANCFORT

SONNET




Cétait par un long soir de la saison puissante
Qui prodigue à la terre et le fruit et la fleur,
Emplit de gerbes d’or le char du moissonneur
Et gonfle aux ceps ployés la grappe jaunissante.

Les derniers feux du jour et leur calme splendeur,
Au loin, du mont Taunus doraient la cime ardente.
Le bel astre d’amour qui brille au ciel de Dante
Montait sur la cité de l’antique empereur.

Sur le haut piédestal où ta gloire s’élève,
D’un regard de Vénus, doucement, comme en rêve,
Ô Gœthe ! s’éclairait ton grand front souverain,

Tandis que, de silence et d’ombre revêtue,
Craintive, je baisais au pied de ta statue
Le pli rigide et froid de ton manteau d’airain.


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