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NAPOL LE PYRÉNÉEN.


Un mois il les faucha, sautant de mont en mont,
Jetant leurs corps à l’aigle et leur âme au démon
            Qui miaule et glapit par saccades ;
Les âmes chargeaient l’air comme un nuage noir,
Et notre bon Roland, en riant, chaque soir,
            S’allait laver dans les cascades.

Mais tu tombas, Roland ! — Les monts gardent encor
Tes os, tes pas, ta voix, et le bruit de ton cor,
            Et, sur leurs cimes toujours neuves,
Ont, comme un Sarrasin, une nue en turban ;
La cascade les ceint et les drape, en tombant,
            De l’écharpe d’azur des fleuves.

Nos pères, du soleil et du canon bronzés,
Sont morts aussi, mordant leurs vieux sabres usés
            Sur tous ces rochers de l’Espagne.
Dis-moi, toi qui les vis, quand ils tombaient ainsi,
Étaient-ils grands, et grand notre empereur aussi,
             Comme ton oncle Charlemagne ?

Ah ! si vers l’Èbre, un jour, passaient par Roncevaux,
Nos soldats, nos canons, nos tambours, nos chevaux,
            Et nos chants tonnant dans l’espace,
Lève-toi pour les voir, lève-toi, vieux lion :
Plus grande que ton oncle et que Napoléon,
            Viens voir la liberté qui passe !



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