Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t1, 1887.djvu/386

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



L. ACKERMANN


1813.




Madame Ackermann est née en 1813. Son naturel et son éducation lui firent une enfance sérieuse et une première jeunesse austère, toute adonnée à la lecture et à l’étude. L’enseignement religieux l’émut profondément ; sa soif précoce de connaître y trouva d’abord de quoi s’assouvir, car le dogme fournit des réponses immédiates aux plus pressantes questions de l’âme ; mais bientôt son besoin même de vérité mit sa raison en garde contre sa foi, qu’elle perdit pour toujours. Elle s’était initiée de bonne heure aux chefs-d’œuvre des littératures étrangères. Un séjour d’un an qu’elle fit, en 1838, à Berlin, lui permit de parfaire sa connaissance de l’allemand ; elle en revint, dit-elle, toute germanisée. Elle y retourna quelques années plus tard et s’y maria. S’associant avec le plus grand zèle aux travaux de son mari, elle prenait goût à la philosophie et ne s’occupait plus de poésie. Cette diversion ne devait pas durer. Veuve en 1846, elle se retira sur une colline des environs de Nice, et y vécut dans une complète solitude, avec son deuil, ses souvenirs et ses livres. C’est dans cette retraite claustrale que, pendant vingt-quatre ans, se mûrirent sa pensée et son talent ; son érudition y devint considérable. Ses qualités sont précisément celles qu’on rencontre le plus rarement chez les écrivains de son sexe : la vigueur de la pensée et l’éloquence de l’expression. Ses cris sont tout virils ; le soupir élégiaque, si fréquent dans la poésie féminine, ne l’est point dans la sienne. Les sacrifices qu’elle a faits à la grâce dans ses Contes n’ont été que passagers ;