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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Vous logez maintenant bien loin, dans l’infini ;
Nous sommes séparés par des milliards de lieues :
Notre cercle d’amis, là-haut, est réuni
                 Dans un palais aux portes bleues.

Par delà les soleils, la mort leur donne accès.
Quand elle nous les prend, leur vie alors commence
Au pays du bonheur : leur billet de décès
                Est comme un billet de naissance.

Leur paradis a-t-il des fleurs et des vallons ?
L’ange est-il lumineux, la Vierge est-elle blonde ?
Qu’ont-ils vu ?… Les morts sont des Christophes Colombs,
                Qui découvrent un nouveau monde.

Hélas ! Dieu leur impose un silence cruel !
Ils voudraient revenir, nous donner quelque signe,
Parler… mais les élus sont des soldats du Ciel,
                Obéissant à la consigne.

Ce qui dit tout cela, quand nous allons rêvant,
Ce n’est pas la raison, qui ne peut rien comprendre
Et qui croit tout savoir, c’est le cœur, ce savant
                Qui connaît tout, sans rien apprendre.

La raison croit avoir un rayon sans pareil,
La pédante qu’elle est !… Sa lumière orgueilleuse
Éclaire faiblement : le cœur est le soleil,
                La raison n’est que la veilleuse.

Nous savons bien qu’ils sont sous la terre, aujourd’hui ;
Mais ce que nous cherchons, c’est l’âme et non l’étui ;
Elle seule animait cette chère poussière,
Faisait parler la bouche et brillait dans les yeux :