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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Mais l’humble tirelire est comme la chaumière
Où tu t’endors en paix, sans souci des voleurs.

Allons, en avant, marche ! entre dans la caserne.
Tu dois servir aussi, mon petit sou moderne,
À payer nos soldats. Le courage et l’honneur
Ont des lauriers au front et des sous dans la poche :
Le soldat est sans biens, sans peur et sans reproche ;
Le cuivre est dans sa bourse, et l’or est dans son cœur.

Mais un jour, sou charmant que la jeunesse enivre,
Tu deviendras pareil à ces vieillards de cuivre,
Usés, noircis, rouillés. Le temps nous vieillit tous ;
À l’un il met la ride, à l’autre il met la rouille :
De leur jeune fraîcheur, en passant, il dépouille
Les roses du printemps, comme les petits sous.

« Je suis le petit sou, que l’on fit pour l’aumône ;
J’ouvre une porte au ciel à celui qui me donne,
Je fais un peu de bien, sans venir du Pérou :
Avec les pièces d’or, soleils de la cassette,
On bâtit des palais pompeux ; mais on achète
Sa place au paradis, avec un petit sou. »



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