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JOSÉPHIN SOULARY.


Sur mon arbre, un doux nid, gramen, duvet ou laine,
Retiendrait un chanteur, pinson, merle ou moineau.
Sous mon toit, un doux lit, hamac, natte ou berceau,
Retiendrait une enfant, blonde, brune ou châtaine.

Je ne veux qu’un arpent ; pour le mesurer mieux,
Je dirais à l’enfant la plus belle à mes yeux :
« Tiens-toi debout devant le soleil qui se lève ;

Aussi loin que ton ombre ira sur le gazon,
Aussi loin je m’en vais tracer mon horizon. »
— Tout bonheur que la main n’atteint pas n’est qu’un rêve.


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L’ANCOLlE




Mon cœur est enterré sous ce grand noisetier.
— C’était un soir d’hiver ; il gelait sur la plaine.
Ma chérie, au retour d’une course lointaine,
Se frayait dans la neige un douloureux sentier.

Le sommeil la prit là. Succombant à la peine,
Elle croisa ses mains sur son cœur, pour prier.
On la trouva couchée au pied du cendrier ;
Mais la mort avait bu, d’un trait, sa douce haleine.

Le printemps est venu. L’arbre a son habit vert ;
Une fauvette a fait son nid sous le couvert,
Et, juste où fut le corps, s’élève une ancolie.

Je voudrais la cueillir ; mais je n’ose, j’ai peur
Que l’âme de l’enfant, palpitante en la fleur,
De nouveau ne s’exhale avec mélancolie.



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