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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.



LA CHUTE DES FEUILLES




De la dépouille de nos bois
L’automne avait jonché la terre ;
Le bocage était sans mystère,
Le rossignol était sans voix.
Triste et mourant à son aurore
Un jeune malade, à pas lents,
Parcourait une fois encore
Le bois cher à ses premiers ans :

« Bois que j’aime, adieu ! je succombe :
Votre deuil me prédit mon sort,
Et dans chaque feuille qui tombe
Je lis un présage de mort.
Fatal oracle d’Épidaure,
Tu m’as dit : « Les feuilles des bois
À tes yeux jauniront encore,
Et c’est pour la dernière fois.
La nuit du trépas t’environne ;
Plus pâle que la pâle automne,
Tu t’inclines vers le tombeau.
Ta jeunesse sera flétrie
Avant l’herbe de la prairie,
Avant le pampre du coteau. »
Et je meurs ! De sa froide haleine
Un vent funeste m’a touché,
Et mon hiver s’est approché
Quand mon printemps s’écoule à peine.
Arbuste en un seul jour détruit,
Quelques fleurs faisaient ma parure ;